• 11 septembre 2013 – 11 septembre 1973…. En passant par 1990

     

                                                                                                Vidéo : L.Forestier

    POUR Maud & Mélanie 

    Deux minutes, je vais me prendre deux minutes pour Perec.

    Je me souviens.

    Nous étions dans un cursus arts plastiques et théâtre, les A3 section donc littérature et Arts…

    Lycée d’une petite ville de province Française, Grenoble pour pas la nommer.

    Les bons à rien bouffant d’un peu de tout, trainant dans la cour avec nos pulls trop grands et nos beedies en bouche.

    J’ai gardé une image de cette époque assez nette. Des images assez nettes.

    Ce qui est relativement ironique pour deux raisons.

    D’une part, moi qu’on a pris en photo depuis mon plus jeune âge je n’ai quasi aucune photo de cette période. Le résultat d’un comportement adolescent, sans doute : « maman lâche moi avec ton appareil c’est insupportable. »

    D’autre part pour les quantités astronomiques de THC consommées à cette période et ce dès le matin levé. Autre comportement adolescent, sans nul doute.

     

    C’était l’époque où on ne parlait pas de parité ou de discrimination positive, et pourtant, je me souviens de classes faites d’office de blonds, de brunes, de rebeus main jaune « touche pas à mon pote » sur le revers du perfecto, d’enfants de réfugiés Chiliens aussi, de métisses, de babas pas si cool que ça et de gothiques qui écoutaient The Cure et The Sisters of… De punks a la bourre qui écoutait Fugazi. (Ha Fugazi !). Qu’on était issus de milieux très différents de la cité pourrie Arlequin à Rochepleine résidence de bourges.

    Je me souviens aussi qu’on était engagés parce que ça allait avec la panoplie de l’artiste en « herbé », que tout était bon pour allonger les heures de colles avec motif absence, indiscipline, insolence, et d’autres raisons sans doute toutes aussi valables et fumeuses.

    Donc de cette joyeuse et jouisseuse bande de débraillés j’ai toujours été la pitchoune de la classe ayant un an d’avance et en plus faisant partie de la fournée de fin d’année, bref j’ai toujours été la plus jeune dans mon parcours scolaire.

    Je me souviens de rencontres essentielles à mon éducation politique, la rue, les manifs, les zonards - comme les braves gens les appelés-, les concerts.

    Les amis.

    Et un particulier auquel j’ai beaucoup pensé aujourd’hui.

    Pavel, fils de réfugié Chiliens ayant fui la dictature de Pinochet, qui vivait Cité Arlequin, une cité bien pourrie, enfin je l’ai déjà dit.

    J’ai pensé à lui aujourd’hui parce que les ami-e-s de cette époque ont déjà fêté leurs quarante ans.

    ET qu’il y a quarante ans, aujourd’hui jour pour jour, l’armée Chilienne réussissait son coup d’état a l’encontre du gouvernement Allende.

    De nombreuses et sombres années suivirent et conduirent des familles à l’exil.

    Je n’aurais jamais rencontré cet ami Pavel si les siens n’avaient pas été persécutés.

    Nous avons passés deux années à refaire le monde et je crois que comme moi il voulait devenir cinéaste ou écrivain.

    Je ne sais plus, parce que ma mémoire s’arrête là.

    Parce qu’il y a des choses qu’on oublie sans qu’il y est de raison.

    Les gens se perdent comme ils se sont trouvés parfois.

    Par hasard.

    Certes il y a des hasards heureux.

    Il y en a dont on voudrait oublier l’origine, voilà tout.

    Mais puisque ma mémoire fonctionne et que je suis devenue comme je le voulais une auteure,

    je dédicace cette page à Pavel et puis à nos keffieh,

    à nos Docs Marten’s aux lacets rouges et à ses rues arpentées hurlant avec conviction qu’un monde autre était possible…

    Je ne sais pas ce que la plupart d’entre nous ont fait de ces années-là.

    Je suis heureuse simplement d’avoir gardé des ami-es sincères et certains dans leurs convictions,

    et ce simple constat rend un peu moins triste le regard que je pose sur le monde...

    Enfin peut-être.

    « J'ai douté des détails....(... )Tu voudrais qu'il y est des ascenseurs au fond des précipices (...) »

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