• De la colère

    De la colère

                                                            © L.Forestier  Modèle : Jill Vitriol

     

    Je vomis.

     Je pense au suicide.

     Je ne suis pas suicidaire.

     J'y pense de manière rhétorique. J'y pense comme un concept.

     En concept politique.

     

    Je m'interroge.

     

    Lorsque j'essaie de recoller les mille morceaux de moi éparpillés je ne sais trop où,  lorsque je ne suis plus à même de me regarder en face.

     Lorsque je ne suis pas capable de me pardonner.

    Quand je me fais honte.

     Quand je suis trop fatiguée.

    Lorsque je me sens seule, isolée de tout et de tous, incapable de m'adapter a quelconque forme de vie sociale, aux autres, à moi.

     

    Je pense au suicide comme une sécurité.

     

    La possibilité de se dire si vraiment tout cela devient trop douloureux il y a une solution.

     Toujours une solution au moindre soucis.

     

    Rhétorique pragmatique réconfortante.

     

    Et puis ce n'est pas que moi. Cela ne vient pas de moi, pas toujours, ce sentiment.

     

    Ce que je vois sans cesse autours de moi, me perturbe, me déstabilise tellement parfois, me fait horreur aussi souvent.

     Nous n'arriverons jamais a changer rien.

     Nous donnons de nos personnes, pour devenir un peu meilleurs tandis que s'agitent autours de nous bêtise profonde, visages lisses, costumes irréprochables et indifférence générale.

     

    Nous n'arriverons a rien, jamais.

     

    Le simple fait de les emmerder demande tellement d'énergie que souvent je me planque, j’arrête parce que je m’essouffle de trop.

     

    Penser au suicide comme un réconfort, donc, puisque de toute façon nous avons besoin d'être réconfortés, rassurés, consolés.

     

    Et comme disait S.Dagerman, notre besoin de consolation est impossible a rassasier.

     

    C'est vrai, nous trouverons toujours une, des bonnes raisons pour ne jamais être satisfaits a raison et il y en a temps;

     

    Je pense au suicide.

     

    Je n'ai personne qui compte sur moi, je n'ai même pas été foutue de faire des enfants.

     

    Parfois c'est une consolation.

    Parfois.

     

    Une autre raison de se sentir encore différente.

     

    Le meilleur tour qu'ils nous ont joué, a été de nous faire croire qu'à considérer les hommes comme ils le faisaient pour les femmes depuis la nuit des temps ferait de nous des être libres.

     

    Je me demande toujours comment est ce possible.

     

    Comment ces femmes s'installent gentiment et semblent très confort avec ces rapports super dominants et très réducteurs, bien normés,  de ce que doivent être les femmes, de ce que doivent être les hommes.

     

    Car si la donne a changé elle n'en reste pas moins aliénante.

     

    Elles sentent bon ( enfin pour moi elles sentent fort  mais y parait qu'elles sentent bon), le cheveu lustré, comme dans une pub en slow motion, la Taillefine parce qu'elles en ont le temps et toujours comme il faut.

     Assises, debouts, tenues impeccables, j'imagine que même lorsqu'elles écartent les jambes rien ne bouge, rien ne se froisse personne ne frémit.

     

    Tout est à sa place.

     Ils ont dit.

     Légiférons à tour de bras.

     

    On a fait une bonne ablation des ovaires à la conscience politique et on s'est retrouvé avec des filles fières de nous dire qu'elles étaient trop pas des putes, trop pas soumises sous leur Ijab, trop à l'aise d'avoir pécho l’ascenseur social populiste, trop trop contentes de ne plus en avoir du tout et de s'interroger sur le degré de légitimité de celle qui écrit une king kong theorie.

     

    Les porn star donnent des cours de cul dans "Cosmo" ca c'est affranchi, ca c'est rebelle, ca bouche un coin à la descente de lit de l'égalité, c'est tellement plus chic, beaucoup plus que des porn star qui jouent dans un vrai film qui défouraille les clichés de la masculinité/féminité comme "Baise moi" par exemple.

     

    Évidemment.

     

    Des femmes qui prennent des flingues contre les violeurs en puissance  ou potentiels c'est pas tres glam'.

    Le corps des femmes doit resté disponible H24, une station multi services, dans le respect, dans l'élégance, faut pas déconner. Sinon faudra pas que tu vienne te plaindre après, qu'on te trouve trop radicale.

     

    Maintenant que les mecs on trouvé le chemin de la cuisine, à défaut de les faire on nous prend pour des quiches.

     

    Quand un Libéral présidentiable se fait coincer - coupable ou non - on nous dit qu'il n'y a pas mort d'homme.

    On nous dit que ce n'est qu'un troussage de domestique.

    On nous dit que maintenant regardez le progrès, une femme noire qui se fait agresser peut porter plainte contre un homme blanc puissant, vive le progrès- (mais, bon dieu, qu'ais-je donc fait de mon tube de dynamite?).

     

    Quand un réalisateur Danois, misogyne patenté, se prend les pieds dans le tapis de la rhétorique antisémite on le bannit du festival de Cannes, hors lorsque le même gars dit exactement la même chose sur les femmes on crie au génie. ( mais  merde alors il me semblait l'avoir laissé là au fond de mon sac?)

     

     Évidemment.

     

    Sinon on a légiféré donc, ça va les filles vous vous sentez mieux ?

    Rassurées?

     

    Plus personne ne vous emmerde quand vous rentrez le soir, qu'il fait moins quinze et que vous êtes planquée sous votre parka à capuche que votre mère vous reconnaitrait pas, mais le con là lui vous a bien reconnu comme entité féminine et vous demande si gentiment - ou pas - si vite fait , là, ça vous direz pas...

     

    Au pire la loi sera de votre coté ne vous inquiétez pas, vous aviez le mérite d'être habillée.

     

    Dans les discussions le soir, entrer ami-e-s et ami-e-s de vos ami-e-s, on vous dit que c'est déjà bien;, c'est déjà pas si pire, puisque y a 200 ans les femmes ce faisaient encore plus violées qu'aujourd'hui.

     

    Oui et puis les exécutions étaient publiques, et puis on brulait les femmes accusées de sorcelleries et puis... Ha oui mais ça c'était y a 200 ans donc.

     

    Sinon?

     

    La violence conjugale est désormais interdite dans 125 pays mais, à l’échelle mondiale, 603 millions de femmes

    vivent dans des pays où la violence conjugale n’est pas considérée comme un crime.

    En  2011, 52 pays au moins ont fait  du  viol conjugal une infraction  pénale. Pourtant, plus  de 2,6 milliards  de

    femmes vivent dans des pays où celui- ci n’a pas été explicitement pénalisé.

    Les lois  fondées sur  la  coutume ou  la  religion,  qui  existent  aux côtés  de  la  législation  de l’Etat, restreignent

    fréquemment les droits de la femme au sein de la famille, notamment en matière de mariage,de divorce et de

    droits de succession.

    http://www.genreenaction.net/IMG/pdf/FR-Progress-Global-Press-release-FINAL.pdf

     

    Sinon, comment ça va avec la douleur?

    J'en reviens donc au suicide.

    Le jour où très vieille j'en aurais vraiment ma claque je crois que j'irais me faire sauter - au sens bombesque -  dans les locaux d'un magazine féminin bien pourrave, avec pour toute revendication le fait d'être une chienne soumise à ma colère.

    Finalement c'est peut etre pas plus mal que je n'ai pas eu d'enfant :

    Si j'avais eu une fille elle serait peut etre devenue féministe...

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