• Maman par papa  années 60, La Bastille, Isère, Grenoble. 

                                     A Catherine,

    à mes nièces

    à ma mère, 

    ,

    Lundi 20 octobre 2014,

    Dans 1 mois et 3 jours j'aurais 40 ans ,

    et aujourd'hui avec ma soeur nous avons approuvé pour que notre mère bipolaire de 76 ans soit prise en charge par une institution.

    J'ai fait interner ma mère, donc.

    La dernière chose qu'elle m'a dit en pleine crise c'est :  "tu as raté ta vie, tu n'as pas été foutue de faire des enfants, ni de garder un mec et tes films ne marcheront jamais." 

    La lucidité des fous est parfois déconcertante....

    Après une heure d'insultes la dernière chose que j'ai dit à ma mère c'est : "tu vas finir toute seule et je te ferais enfermer. "

    La cruauté des sois disants "normaux " est affligeante.

    C'est nul les mots.

    Mais voilà, ce texte est  pour lui dire que c'est aussi au travers de sa  folie  qu'elle m'a appris mon métier... Et que de toute façon c'est la seule mère que j'ai.

     

    Dans ma tête de mille façons je peux être.

    Mais pourtant je suis moi, tu le sais, ma bouche toujours te dit ce que je suis.

    Je suis là mais jamais où on m'attend.

    Je suis partie mais tu me vois et tu entends encore mes cris.

    Je suis sincère quand je te dis je t'aime.

    Je te dis que je te hais avec tant de force que tu ne peux pas t'y tromper.

    Je fais le spectacle.

    J'exige le silence.

    Je suis le bourreau.

    Je suis la victime.

    Enchainée à toi je vois toutes tes illusions perdues pour que tu finisses toujours comme la suppliciée que je veux que tu sois.

    J'ai cinq ans.

    j'en ai trente .

    J'en ai 70.

    J'ai 60 ans de médication et tu ne peux rien contre moi.

    D'ailleurs contre moi tu es et tu vois bien que je suis moi.

    Je suis ta mère .

    Je t'aime.

    C'est juste que j'ai oublié pourquoi.

    Et je te déteste de me le rappeler.

    J'ai tout écrit dans mes cahiers.

    J'ai écrit pour que,  ce que je vivais de bon puisse se relire au moment du mal.

    Je n'y comprends rien.

    D'ailleurs je n'y crois pas.

    Ce n'est pas moi.

    J'ai écrit.

    Ceux que j'ai aimés.

    Ceux qui m'ont laissé.

    Quand je relis je sais que ce n'est pas ma tête mais la vie qui fait qu'ils sont partis.

    Je suis seule.

    Je relis les livres.

    Je revois les films.

    Et je pense en permanence.

    C'est insoutenable.

    Je ne veux pas m'en aller mais je voudrais partir.

    Je te déteste de le comprendre.

    Je t'ai tant aimé et j'aurais tellement voulu que ce ne soit pas toi.

    Je préfère vivre dans ce qui a existé.

    Le confort de ce qui a failli exister est préférable.

    Je préfère vivre dans ce qui n'est plus.

    Je suis une personne qui vit dans le passé qu'elle n'a pas vécu, 

    les gens appellent ça les regrets.

    Ma fille appelle ça les remords.

    Je me fous de ça .

    Je ne veux pas être là.

    Je ne veux plus être là.

    Tu le comprends et que tu n'y fasses rien me mets en rage.

    Je suis en colère.

    J'ai juste oublié pourquoi.

    Je crois que c'était la guerre .

    Après je ne sais plus....

     

    22 Octobre 2014

     


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